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Le plus important c’est pas la chute #2

« Bordel de merde, combien ça va me coûter encore cette connerie? » C’est la première question que je me pose quand je me relève après l’accident. Tout le monde (sauf le papy) me demande si je suis blessé mais je ne les écoute pas. Le monde s’est arrêté de tourner et je cogite.

Je regarde ma moto, allongée par terre tel un animal blessé. C’est pas possible, elle peut pas finir comme ça aussi bêtement. J’ai encore plein de choses à faire avec cette moto… J’en veux au papy de conduire comme un enfoiré, je m’en veux de n’avoir rien pu faire.  Je suis furieux parce qu’on est en train de m’arracher mon bien le plus précieux. Chaque morceau de plastique cassé est un rêve de voyage brisé, une envie de route sauvage qui s’évanouit.

Le papy m’insulte de tous les noms mais je ne l’écoute pas. Je contemple son oeuvre mais je n’ai pas de temps à perdre, il faut réfléchir et vite.

Avec l’aide d’un motard qui passait par là, on relève la moto et on béquille. Lui aussi me demande si ça va mais je lui réponds un vague « oui oui ». Enfin je crois. Je dois ausculter la moto parce qu’il faut absolument que je sache si elle pourra reprendre la route ou si je dois lui dire adieu maintenant. Le motard insiste, mais moi aussi. Ça ne peut pas attendre.

Je fais plusieurs fois le tour de la moto et j’essaie de calculer le prix des réparations. Le papy revient à la charge et m’insulte de plus belle. Je suis un criminel à ce qui paraît. Rien que ça. Un danger de la route. Il inverserait pas les rôles là dis donc ? Et puis on atteint des sommets lorsqu’il se lance dans un long monologue sur le code de la route. Au bout de deux phrases je comprends vite qu’il ne sait pas de quoi il parle et je le zappe complètement… Pas de temps à perdre à discuter avec ce type, j’ai mieux à faire.

Si la fourche est tordue, je sais bien que le V-Strom ira tout droit à la poubelle sans passer par la case départ. Instant de vérité : je pompe une fois, deux fois, trois fois… J’entends un peu les ressorts mais on dirait bien qu’elle n’est pas bloquée. Miracle !

Les pompiers et la police arrivent assez rapidement et je leur raconte l’accident. Ils me demandent si je suis blessé, mais ça peut attendre non ? Je souligne un par un tous les éléments qui prouvent que je me suis fait renverser et que j’y suis pour rien. Pourtant j’ai l’impression de pisser dans un violon, tout ce qu’ils veulent savoir c’est si je suis blessé. Ils ont un sens des priorités assez curieux ces gens-là…

Enfin maintenant que j’y pense, ma cheville commence un peu à tirer. Je veux aller ramasser un bout de plastique qui traîne mais d’un coup j’ai du mal à garder l’équilibre… Je boite de plus en plus et je finis par ne plus pouvoir poser le pied par terre. Tout le monde m’encercle, me demande où j’ai mal, si ça va. Je crois bien que je suis blessé en fait…

On me fait finalement monter dans le camion de pompiers pour me faire tout un tas d’examens, mais le dépanneur n’est toujours pas arrivé. Je joue la montre pour ne surtout pas partir avant de savoir ce qu’il va advenir de mon V-Strom. Ironie du sort, le dépanneur qui intervient est le même que lorsqu’on m’a explosé le Fazer l’année dernière…

Quand vient enfin mon tour de passer aux urgences, je n’entends pas mon nom. Ma copine m’a rejoint en catastrophe et c’est elle qui répond à ma place. Elle me secoue un peu pour que je redescende sur terre.

Non, je ne me suis pas endormi sur mon fauteuil… Je suis tout simplement trop absorbé par mon téléphone. Ça fait 1 heure que j’épluche Le Bon Coin à la recherche d’un V-Strom identique au mien.

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