Deuxième et dernier jour de notre balade hivernale. Ma mission est de faire découvrir à Botan et Mathieu la Forêt Noire, le parc d’attraction géant pour motards. Au programme de la matinée virages, virages et encore des virages !
Je suis très très loin d’être un expert de la Forêt Noire mais quand un alsacien comme Botan me dit qu’il n’y a jamais posé ses roues ça me rend complètement fou ! Si vous ne connaissez pas c’est facile. Imaginez un rouleau d’asphalte hyper large, avec un grip de malade et qui serpente en permanence pour former d’énormes courbes. Et en plus la limite de vitesse à 100km/h sonne davantage comme un défi que comme un avertissement. Histoire de mettre les copains de bonne humeur, je vais aller jusqu’à dire que c’est comme l’Ardèche mais en mieux ! C’est bon vous l’avez ? Eh bah dites-vous que c’est comme ça presque partout dans la Forêt Noire ! Après les Alpes, je crois bien que c’est est mon terrain de jeu favori. Mon seul regret est de ne pas pouvoir y aller autant que je le voudrais.
Le soleil joue à cache-cache mais le thermomètre continue de grimper et SURTOUT il n’y a pas une goutte de pluie à l’horizon. Ce qui n’est pas du tout une bonne nouvelle pour mes cale-pieds !
Mathieu, Botan et moi n’avons malheureusement que quelques heures à passer ensemble avant de devoir nous séparer, il faut donc en profiter au maximum. Je dégaine ma carte et je désigne à la va-vite le point de départ de notre tour de toboggan géant mais… c’est raté. Faux-départ. Si j’avais fait plus attention j’aurais vu que le fun commence dans la vallée d’à-côté. Ce petit détour nous permet donc de profiter de la banlieue des bleds frontaliers, en suivant les convois de gens qui partent bosser. J’adore.
Il est temps d’arrêter les conneries. J’ai pas envie de passer pour un blaireau auprès de Mathieu et Botan donc je dégaine le gros flingue, l’artillerie lourde. Je mets mon Tomtom en mode routes sinueuses version maxi-virages, maxi-dénivelé, maxi-vénère.
Le petit problème de Tomtom c’est qu’il fait bêtement ce que tu lui demandes. Quand tu lui demandes un extrême il le trouve. Il peut pas comprendre que t’es un poil énervé et que tu t’es un peu laissé emporté. Le con. Nous nous retrouvons donc rapidement sur… une route à chèvre ! Une route minuscule qui zigzague sur un gros dénivelé, recouverte de branches et de merdes en tout genre. Botan morfle avec les guidons bracelets de sa Ducat’ et je le soupçonne d’avoir eu quelques envies de meurtre me concernant… Deuxième faux-départ. Me voilà de bonne humeur, ça y est.
Je coupe tout. Plus de mode routes sinueuses de l’espace, plus de bidule, plus de machin. J’en arrive donc au stade où je me mets la pression tout seul : j’ai déjà grillé deux jokers, je m’interdis un troisième échec. Faut dire que je leur ai vendu la Forêt Noire comme étant un kiff énorme et pour l’instant tout ce que je leur ai donné c’est de la zone pavillonnaire et un tassement de vertèbres.
Je dégaine à nouveau la carte. Instant concentration… Le bled où nous nous trouvons est traversé par une grosse route qui remonte vers Baden-Baden. Je suis le tracé du doigt et ça y est, enfin, c’est la bonne ! Gaz !
Dès la sortie du village les grosses et méchantes courbes s’enchaînent. Je retrouve la Forêt Noire de mes souvenirs. Celle qui te fait débrancher le cerveau et qui te fait sourire comme un gosse qui croise Mickey en sortant de Space Mountain. C’est pour ça que je te répète que c’est un foutu parc d’attractions cette satanée Forêt Noire !!!
Autant dire que si la veille j’avais pété les records de faible consommation aujourd’hui c’est tout l’inverse ! J’ai un peu de mal à prendre mes marques avec mes nouveaux pneus mais un fois que c’est parti, c’est parti ! Ça penche, ça frotte, ça relance en sortie de virage avec la poignée en coin. On roule pas comme des sagouins mais on se fait plaisir. Et ça fait du bien!
Ce que j’aime vraiment lors d’une balade c’est ne plus savoir où je suis. Le nom des villages, la direction où je vais… tout ça devient flou au bout d’un moment. Vers midi, on atterrit dans une petite ville pas très loin de Baden-Baden (enfin je crois). Il me semble que je ne vous ai jamais parlé de la façon dont je mange quand je prends la route. Pour faire court, je bouffe généralement au lance-pierre des trucs insipides sur un bout de trottoir parce que je ne voudrais surtout pas m’arrêter trop longtemps et faire chuter ma moyenne. Mais pour une fois je vais vous en parler. Il le faut.
Je réussis l’exploit d’emmener Botan et Mathieu déjeuner à la terrasse d’un glacier que j’ai malencontreusement pris pour un bar/resto. Vous auriez dû voir la tronche du serveur quand il a vu débarquer 3 français qui voulaient pas entendre parler de ses glaces et qui lui ont commandé le seul truc salé qui devait traîner au fond de son frigo depuis 3 ans… Tout ça en baragouinant des bribes d’allemand, d’anglais, d’italien et parfois les trois à la fois dans la même phrase. Magique.
J’ai du mal à remonter sur la moto après ça parce que je sais que nous allons amorcer la partie la moins drôle de la journée : le trajet retour. La route est un peu moins belle, moins viroleuse, moins joueuse. Le moral dans les chaussettes, je nous accorde finalement un dernier tour de manège avant de traverser la frontière dans l’autre sens et de rentrer chez nous. Je tourne à gauche, je mets un point sur mon GPS pour forcer le détour par une dernière zone pleine de zigzags sur la carte et hop ! Nous grimpons rapidement à nouveau jusqu’à retrouver les routes fraichement déneigées avant d’attaquer une ultime descente en forme de toboggan démoniaque totalement pousse-au-crime, qui en plus a la culot de nous offrir le meilleur grip de la journée…
Quitter Mathieu et Botan marque cruellement la fin de notre balade hivernale. Je rentre à Paris d’une traite et j’avale les 4h30 de route sans même y prêter attention. Mon esprit est ailleurs. Dans le Haut-Jura, dans les Vosges, à Lyon… En 4 jours j’ai l’impression d’avoir vécu des milliards de choses. La dernière fois que j’ai fait ce trajet je rentrais de mon premier voyage, une semaine passé seul en Allemagne, en Pologne, en République Tchèque. L’évasion en solitaire était un besoin vital… mais elle me donne désormais le vertige.